Portrait croisé de deux travailleurs sociaux de l’équipe du Vivier : Marie-Anne et Emmanuel.
Nous vous présentons un portrait croisé de deux travailleurs sociaux de l’équipe du Vivier : Marie-Anne Kestens et Emmanuel Massaut. Le Vivier est un nouveau projet d’activation sociale du CPAS d’Ixelles. Il s’agit d’un projet d’émancipation citoyenne qui offre un espace de rencontre, d’échange et de créativité aux personnes qui bénéficient de l’aide du CPAS. Bonjour, pouvez-vous me présenter votre parcours d’études et professionnel ?
Marie -Anne : Je suis diplômée assistante sociale psychiatrique et depuis 1984 j’ai principalement travaillé dans le secteur de la santé mentale tout en me perfectionnant continuellement dans le domaine de la psychiatrie. J’ai coordonné durant de nombreuses années le service de santé mentale « La Gerbe asbl » où j’ai initié un projet en ethnopsychiatrie (Samoa, santé mentale en Milieu Ouvert Africain). Par la suite, j’ai vécu en Polynésie où j’ai ouvert un centre de santé mentale et de médiation familiale et conjugale. En 2017, j’ai rejoint le CPAS d’Ixelles où j’ai débuté en tant qu’assistante sociale. Quelques mois plus tard, j’ai remarqué une offre de recrutement en interne pour un poste de praticien en santé mentale, un domaine qui me passionne. Après avoir passé les tests, je suis maintenant référente en activation sociale.
Emmanuel : Pour ma part, je suis titulaire d’un bachelier en assistant en psychologie ainsi que d’un master en sciences de la famille et de la sexualité. Avant de rejoindre le CPAS d’Ixelles, j’ai travaillé pendant huit ans comme assistant auprès d’un expert psychiatre judiciaire. Par la suite, j’ai occupé le poste d’agent d’insertion à Cap Emploi au CPAS d’Ixelles. Rapidement, j’ai réalisé que l’insertion professionnelle n’était pas toujours pertinente pour certains profils d’usagers que je suivais, notamment ceux sans domicile fixe ou en situation de fragilité mentale. Quand j’ai appris qu’un poste se libérait à l’activation sociale, j’ai postulé car je me suis senti en phase avecle projet. .
Pour nos lecteurs, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est exactement l’activation sociale ?
Marie -Anne : L’activation sociale représente le point de départ pour remettre en marche les personnes qui dépendent des ressources du CPAS. Nos bénéficiaires ne sont pas en mesure, pour diverses raisons, de s’intégrer à court ou moyen terme sur le marché du travail : maladies, problèmes de logement, garde d’enfants, qualifications insuffisantes, barrière linguistique, etc. Notre mission consiste à prendre soin de ce public en les mobilisant et en les sensibilisant à des activités susceptibles de les réorienter vers le marché de l’emploi ou une participation citoyenne.
Emmanuel : Il est essentiel pour ces personnes de redevenir acteur de leur vie afin de se réintégrer activement dans la société.
Avant la création du Vivier, vous proposiez des modules collectifs.
En quoi consistaient-ils et comment étaient-ils organisés ?
Marie-Anne : Au cours des deux premières années de l’activation sociale, sept parcours ont été élaborés pour encourager l’engagement citoyen et participatif. Malheureusement, la crise sanitaire a mis un terme abrupt à ces initiatives. Ces parcours visaient à explorer les différentes facettes du bilan social. D’une durée de quatre mois, ces parcours offraient une variété d’activités, telles que l’Espace Public Numérique Malibran, les ateliers Feel Food (Cuisine et Potager), la participation à la Croix Rouge de Belgique, l’implication avec l’asbl Belgik Mojaïk, les activités à la Bibliothèque, ou encore les sessions d’improvisation organisées par la ligue d’impro. Pour de nombreux participants, ces parcours ont eu un impact positif sur leur vie. Ils ont notamment apprécié l’opportunité de sortir de chez eux pour rejoindre un groupe, de s’impliquer activement auprès de la CroixRouge de Belgique ou de maintenir des liens après la fin du parcours, offrant ainsi un soutien mutuel.
Pourquoi avez-vous décidé de ne pas poursuivre ces parcours sous cette forme-là ?
Marie -Anne : Nous avons constaté que ce modèle de parcours devenait trop répétitif pour nous et pour certains usagers. Bien que certains aient pu trouver un nouvel élan dans leur vie ou regagner un certain contrôle sur leur existence, pour d’autres, la fin de ces parcours après quatre mois de rencontres quotidiennes était trop abrupte. Nous avions l’impression de les laisser en rade une fois la dernière séance collective terminée, ce qui a provoqué des difficultés pour certains. De plus, nous avons réalisé que ces parcours étaient parfois trop directifs, nous éloignant de notre objectif principal qui est l’autonomie des individus.
Vous avez donc opté pour des entretiens individuels ?
Emmanuel : Exactement. Les entretiens individuels nous permettent de mieux cerner les difficultés rencontrées par chaque personne. Contrairement aux groupes, où certains individus peuvent se perdre dans la masse, les entretiens individuels offrent une approche plus personnalisée. Il était essentiel pour nous de transformer nos approches en activation sociale et de proposer quelque chose de nouveau.
D’où la naissance du Vivier ?
Marie-Anne : Le Vivier découle d’une réflexion longue de plusieurs années. C’est un espace où les personnes peuvent se poser. Le Vivier se veut être un lieu de lien social. Dans un premier temps, les participants peuvent s’autoriser à ne rien y demander, si ce n’est une présence bienveillante professionnelle. Puis, dans un temps second, des demandes, des idées, des envies, des désirs peuvent s’énoncer, et nous proposons d’accompagner les personnes en demande dans l’accomplissement de leur projet. Nous avons réalisé qu’il était inutile voire contre-productif d’essayer de faire rentrer les gens dans des cases déterminées par nos propres critères. Le Vivier vise à encourager l’autonomie et à respecter les capacités individuelles.
Emmanuel : Dans ce cadre, nous organisons plusieurs activités qui servent de base à la mobilisation des participants pour acquérir de nouvelles compétences en dehors du champ de l’insertion socio-professionnelle.
Comment fonctionne le Vivier au quotidien ?
Marie-Anne : En plus des entretiens individuels, plusieurs ateliers sont régulièrement organisés. Parmi eux, la ligue d’improvisation qui a pour ambition de travailler la confiance et l’estime de soi, tandis que l’art-thérapie mise sur la reconnexion à sa créativité. Nous organisons également des rencontres informelles autour du « café papote » où les participants peuvent simplement se retrouver autour d’une tasse de café pour échanger et maintenir les liens sociaux. Ce moment convivial est également l’occasion pour les bénéficiaires de proposer de nouvelles activités qui suscitent leur intérêt.
Emmanuel : Afin de réaliser nos missions, notre projet au Vivier s’appuie également sur l’investissement des participants, ainsi que sur le soutien des réseaux associatifs et institutionnels de la Coordination Sociale et d’autres partenaires dont les missions convergent avec les besoins de notre public. Adil Ben Hmidou, qui collabore avec nous au bon fonctionnement du Vivier, coordonne tous les aspects administratifs tout en veillant à offrir un accueil chaleureux à nos participants.
Quels sont vos projets à venir ?
Emmanuel : Nous envisageons de développer notre programme de bénévolat avec nos usagers. C’est une façon d’aborder l’activation sociale. Nous sollicitons parfois leur aide pour la distribution des colis alimentaires. En leur offrant des opportunités de s’engager dans des activités sociales valorisantes qui requièrent des compétences, nous leur permettons de se sentir utiles et intégrés dans la communauté. C’est également une manière pour nous de les réintégrer progressivement dans le marché du travail.